Les droits domaniaux regroupent des impôts indirects de nature diverse dont le mode de perception – et donc les producteurs d’archives – varie dans le temps. Selon les périodes, leur perception est confiée par office, en ferme ou en régie1 à différents acteurs, qu’il s’agisse de particuliers ou de compagnies.
NATURE DES DROITS
Les droits domaniaux désignent les revenus que le roi tire de son domaine. Une partie de ces revenus provient du domaine dit « corporel », c'est-à-dire des biens fonciers possédés réellement par le roi (redevances et droits seigneuriaux, cens, lods et ventes, etc.). Une autre provient du domaine dit « incorporel », qui regroupe l’ensemble des droits appartenant au roi en qualité de suzerain ou de souverain (amortissement, nouvel acquêt, franc-fief, contrôle, insinuation, etc.).
Contrôle
Généralisé en France par l', le contrôle est destiné à authentifier la date des actes. Il est d'abord appliqué aux actes des notaires, puis aux actes sous seing privé et aux exploits d'huissiers.
Insinuation
L'insinuation, établie en 1539 par l'ordonnance de Villers-Cotterêts, a pour but, à l’origine, d'assurer la publicité de certains actes translatifs de propriété, principalement les donations. Les actes insinués sont donc dans un premier temps transcrits intégralement. À partir de 1703, L'insinuation se transforme et devient une simple mesure fiscale destinée à frapper toutes les mutations de propriété. Dès lors, on se contente d'inscrire sur les registres une courte analyse des actes.
Le droit prend des noms divers suivant la nature des mutations :
Centième denier pour les actes translatifs de propriété, à titre onéreux, et pour les successions collatérales.
Centième denier des biens réputés immeubles pour les constitutions de rentes, transferts d'offices, donations de meubles, etc.
Insinuation suivant le tarif pour les donations et autres conventions.
Petit scel
Pour être exécutoire, tout acte doit être revêtu du sceau royal. Par opposition au Grand sceau de la Chancellerie, les juridictions royales apposent le « petit scel », qui devient bientôt une simple formule inscrite au bas des actes. À cette formalité sont soumis les actes judiciaires, les rôles d'impositions et, à certaines époques, les expéditions des actes des notaires.
Droits réservés
À l'origine, ces droits sont les émoluments attachés à certains offices établis près des juridictions royales. Après la suppression de ces emplois en 1716, ces droits sont réservés et perçus désormais pour le roi par les agents du Domaine. Dans cette catégorie se rangent les décrets volontaires et le contrôle des vacations.
Les décrets volontaires (ou appropriements par bannies) sont destinés à assurer, par la publicité de bannies, la purge des hypothèques d'un immeuble.
Le contrôle des vacations est un impôt de 2 sous par livre perçu sur le montant des vacations des sergents et huissiers.
Contrôle des greffes
Divers droits sont perçus sur les émoluments des greffes, sur le contrôle des affirmations de voyages, des présentations et défauts. Le produit de ces droits figure à la comptabilité des bureaux du domaine mais leurs registres de perception se trouvent classés dans la série B.
Casuels domaniaux
Les biens dépendant directement du domaine royal sont assujettis à des droits de mutation équivalant à ceux perçus par les seigneurs ; ces droits sont l'ensaisinement, les lods-et-ventes.
Le roi possède également des droits sur les biens sans maître ; à cet effet sont constitués dans les bureaux du domaine des sommiers d'épaves, déshérence, aubaine et bâtardise (étrangers ou bâtards morts sans héritiers directs).
Domaine proprement dit
Le Domaine comprend les biens, édifices et droits appartenant au roi ; une partie de ces biens est engagée en Bretagne aux ducs de Penthièvre en 1648 et 1716 ; le reste est afféagé à charge de cens, rentes et redevances diverses. Les documents se rapportant au domaine proprement dit se trouvent en série A ; seule figure dans la série C la correspondance échangée au sujet des perceptions de droits.
Amortissement, nouvel acquêt, franc-fief
L'amortissement est une sorte de rachat du droit de mutation payé par les gens de mainmorte pour toute nouvelle acquisition. Il a pour complément le nouvel acquêt exigible sur les biens nouvellement achetés et pas encore amortis ainsi que sur les biens dont la mainmorte n'a que la jouissance.
Le droit de franc-fief est dû par tous les roturiers acquéreurs de biens nobles.
Timbre ou formule
Les droits de timbre sont séparés en 1759 de la Ferme des impôts et billots et perçus par l'intermédiaire des receveurs du Domaine.
MODES DE RECOUVREMENT
Longtemps confié à des officiers, le recouvrement de la plupart des droits domaniaux est progressivement affermé à partir du XVIIe siècle. D’abord dispersés en fermes particulières, certains baux sont réunis par Colbert en 1669 sous le nom de « Fermes unies » devenues en 1680 « Ferme générale » et constituée de façon durable à partir de 1726. A partir de cette date, la Ferme générale recouvre la quasi-totalité des droits domaniaux. Tous les six ans, le bail de la ferme est adjugé à un particulier pour lequel une quarantaine de financiers, connus sous le nom de « fermiers généraux », se porte cautions. Ce sont ces financiers qui dirigent la compagnie, société de commerce et corps privilégié qui perçoit la quasi-totalité des impôts indirects du royaume – droits domaniaux mais aussi traites et aides – à l’aide d’une trentaine de milliers d’employés. La période 1759-1771 marque une parenthèse dans ce mode d’organisation : pendant douze ans, la perception de la plupart des droits domaniaux est retiré à la Ferme générale et aliénée aux États de Bretagne. Très impopulaire, le système de la Ferme générale est progressivement délaissé dans les dernières années du XVIIIe siècle. Lors de la préparation du bail de 1774, plusieurs droits domaniaux sont ainsi retirés à la Ferme générale et donnés à des régies particulières. Le , voulu par Necker, vient confirmer cette tendance : outre les aides désormais confiées à la régie générale des aides et droits joints, la Ferme générale perd la perception des droits domaniaux, qui échoit en régie à la toute nouvelle administration générale des domaines et droits domaniaux. Cette organisation persiste jusqu’à la révolution
ORGANISATION
Malgré les changements dans le mode de perception, les cadres chargés de percevoir les droits domaniaux restent les mêmes. À la tête existe une direction générale à Paris, qui correspond avec des directions régionales, au nombre de trois en Bretagne : Rennes, Nantes et Morlaix. Chaque direction se subdivise en ambulances contenant une vingtaine de bureaux. Les « contrôleurs » placés à la tête de ces bureaux correspondent directement avec leurs directeurs respectifs et, pour certaines questions importantes, avec les directeurs généraux. En ce qui touche le domaine proprement dit, les contrôleurs sont en relation avec les contrôleurs généraux de la province, puis avec les administrateurs qui les remplacent à partir de 1778. Les domaines engagés aux ducs de Penthièvre ont quant à eux une administration indépendante mais parfois le contrôleur est choisi pour la perception des redevances de ces domaines2.
Les limites des directions et ambulances ne correspondent pas à celles des diocèses, mais respectent le groupement des communes par subdélégation. Les bureaux compris dans l'étendue du département actuel du Morbihan sont répartis de la façon suivante :
Direction de Rennes
Ambulance de Dinan : Guer, Josselin, La Trinité-Porhoët, Le Bois-de-La-Roche, Loyat, Mauron, Ploërmel.
Direction de Nantes
Ambulance de Vannes : Ambon, Auray, Baud, Belle-Île, Bignan, Guémené, Guidel, Hennebont, Languidic, Locminé, Lorient, Muzillac, Plouay, Plumelec, Pluvigner, Pontivy, Pont-Scorff, Port-Louis, Remungol, Rohan, Saint-Jean-Brévelay et Plaudren, Sarzeau, Sérent, Vannes.
Ambulance de Guérande : La Gacilly, La Roche-Bernard, Malestroit, Peillac, Questembert, Rochefort, Saint-Jacut.
Direction de Morlaix
Ambulance de Quimper : Gourin, Le Faouët.
Les bureaux sont établis dans les principales villes ou au siège des juridictions seigneuriales importantes (par exemple au Bois-de-La-Roche, qui n'est aujourd'hui qu'un simple village). Plusieurs suppressions ont lieu au XVIIIe siècle : Ambon (1749), Bignan (1779), Guidel (1727), Languidic (1726), Le Bois-de-La-Roche (1775), Loyat (1716), Plumelec (1727), Remungol (1724), Saint-Jacut (1760), Saint-Jean-Brévelay et Plaudren (1754), Sérent (1787). En 1791, il ne subsiste que 28 bureaux dans le département du Morbihan.
La comptabilité des bureaux comprend des comptes trimestriels (appelés comptereaux) et des états mensuels comparant les droits perçus pendant l'année à ceux de l'année précédente.